dimanche 27 septembre 2009

Vie

Tout se déchaine, s'enlise dans la certitude d'un lendemain glorieux et se perfuse d'un sentiment de réussite. Tout se déchire, se liquéfie sous l'absurde danse d'un jour et s'entraine sous les flots tumultueux d'un avenir incertain.

C'est un drôle de sentiment que celui ci, parfaire l'aventure par une dernière péripétie, douter une dernière fois de la société avant le grand plongeon. Nous le savons, le voile est chaque jour plus épais, recouvrant ses tissus de larges étendues brumeuses, et l'horizon pâlit. Alors on oublie qu'il existe et nous voilà perdus. Nous savons bien qu'un temps toujours plus fin nous sépare de l'inéluctable défaite de l'esprit contre le monde, nous savons que bientôt nos tristes âmes se verront détruites, arrachées et anesthésiées par l'immondice que l'on nomme société.

Le chemin, parait il, est long et périlleux. C'est à travers d'innombrables fuites vers l'inconnu que le voyageur peut retrouver l'horizon...


Le souffle court et la cadence rapide, ses pas claquaient dans la terre humide que l'aube s'empressait d'assécher. L'on pouvait entendre son cœur battre à travers sa cage thoracique. Ses pieds nus s'enfonçaient dans la boue et l'eau froide, ses mains bleutées se brisaient lentement sous l'air sec et brûlant du matin. Son souffle crachait dans l'atmosphère d'épais panaches de fumée, glissant dans la campagne jusqu'à disparaitre.

Il fuyait, quoi ? Je n'en sais rien, à vrai dire lui même ne le savait pas, et c'était bien cela son idée. Il ne voulait pas connaître l'horreur des choses qui étaient à sa poursuite. Pauvre et accablée, l'âme du poursuivit quittait les chemins de traverse pour s'enfoncer plus profondément dans les vertes bambou-raies de l'endroit. Ses mains craquelantes glissaient entre les larges tiges de bois vert, tentant inlassablement d'écarter sur sa route les quelques plantes humides.

Quelque chose l'attrape, une griffe ? Une main ? C'est changeant, immobile, intangible. Il redouble d'effort et se défait de l'étreinte qui l'accable. Il n'est plus très loin, il ne peut pas perdre maintenant, non, ce serait trop d'efforts gâchés, trop d'espoirs bafoués.
Ses jambes se courbent de douleur, ses os martèlent ses organes et l'on peut voir son corps cracher autour de lui tout ce qu'il lui reste de vie. L'aube est proche, avec elle la promesse d'un jour heureux. Il court encore, toujours, ses mains saignent sous le soleil nouveau et la brume tend à se dissiper. L'air se réchauffe sensiblement et il peut déjà apercevoir ce que tous avaient oublié.

Il quitte les champs, retrouve un chemin de campagne et continue sa course. Derrière lui il entend les cris absurdes de son poursuivant. Une colombe croise sa route, il arrive. Ses jambes se brisent, il tombe lourdement à terre et gémit de douleur. Il ne peut pas perdre maintenant. Ses bras tendus fendent la terre, il plonge ses doigts dans le sol boueux, avance, ne s'arrête pas.

Quelques mètres encore, peut être que oui, peut être qu'il y arrivera. Il le voit, sa vision se trouble, ses sens s'embrument. Quelque chose l'attrape, il s'en défait. Se relève, traine son immonde carcasse jusqu'au bout et s'affale à terre. Il aura réussi.

Le souffle lent, son cœur s'éteint. Et sous le soleil nouveau, aux bords de l'horizon, une âme courageuse s'éveille.


La course sera longue et périlleuse, quelques un seulement arriverons jusqu'au bout. Mais peut être qu'en essayant, en tentant sa chance. Peut être qu'on le reverra cet horizon.

Le temps approche, où l'oubli nous enivrera, où l'horizon se voilera.

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